Interview avec Senpetrogaz

Interview avec Senpetrogaz

Entretien avec le Secrétaire Technique du Comité National de Suivi du Contenu Local

Bonjour, M Mor Ndiaye Mbaye vous avez été nommé récemment par le Président de la République, Secrétaire technique du Comité national de Suivi du Contenu Local (CNSCL) qui est l’organe chargé du pilotage du Contenu local dans le cadre de la stratégie nationale d’exploitation du pétrole et du gaz, quelle est la raison d’être de ce comité national, quel est son mode de fonctionnement et ses objectifs ?


Comme son nom l’indique si bien ce comité a en charge le suivi de la mise en œuvre de la politique nationale de contenu local à travers son plan stratégique. Il doit tout d’abord coordonner l’élaboration du plan stratégique de développement du contenu local et, par le biais de son Secrétariat technique, suivre la mise en œuvre opérationnel de ce plan. Le comité comporte deux organe : une instance de pilotage composée de 15 membres issus de l’Administration publique, des compagnies privées, de la société civile, du patronnât et des syndicats – une instance opérationnelle, son bras armé, qui est le Secrétariat technique. Il se réunit deux fois par an et en cas de besoin. L’objectif qui lui est assigné est d’atteindre 50% de contenu local à l’horizon 2030 (nous pourrons y revenir plus tard).


La création d’un contenu local ne serait t-il pas difficile d’autant plus que nos ressources sont offshores et échappent aux quotidiens des acteurs économiques et sociaux locaux ?


Je ne vois pas ce que vous voulez dire exactement mais c’est une incapacité de nos entreprises à travailler en offshore sachez que ceci est une compréhension biaisée des opérations offshore. Tout d’abord toutes les activités se déroulant dans ces opérations ne se passent pas en mer. Il y a énormément de choses qui se passent en amont avant d’être poursuivies en offshore au besoin. Ils s’agit d’activités diverses faisant appel à une foultitude de compétences et de métiers que nous trouvons déjà dans nos entreprises. Il est juste que le secteur pétrogazier de manière générale et les activités offshore en particulier sont extrêmement normées et par conséquent exigent souvent des certifications qu’on ne trouvent pas forcément sur place. C’est pourquoi un certain nombre de dispositions est pris pour l’accompagnement de nos entreprises dans leur processus de mise à niveau pour pouvoir répondre à ces attentes de type nouveau. 

Comment comptez-vous effectuer ou bien renforcer le suivi et le contrôle?


Le contrôle et le suivi seront facilités par la plateforme électronique d’intermédiation à mettre en place, qui centralise la base de données des activités répertoriées et classées en régimes, la base de données des donneurs d’ordre et leurs plans de passation de marchés, et celle des entreprises étrangères comme sénégalaises en quête de marchés. Par la dématérialisation des procédures de contrôle a priori comme a postériori les interactions entre ce beau monde et le Secrétariat technique du CNSCL seront facilitées et la transparence des opérations assurée. 


M Mor Ndiaye Mbaye quelle est la stratégie nationale du contenu local dans le secteur des hydrocarbures ?


Le Président de la République son Excellence Monsieur Macky Sall, en homme de l’art, a élaboré une vision tendant à atteindre un niveau de 50% de Contenu local à l’horizon 2030. Pour comprendre cette vision il faut remonter aux principes directeurs qui guident les contrats de recherche et de partage de production (CRPP) signés entre l’Etat et les compagnies qui opèrent sur nos blocs. Dans ce CRPP il y est définit comment les investissements, pour l’essentiel consentis par les compagnies, vont être remboursés. Pour faire simple sur chaque 100 FCFA de recettes en moyenne les 70 sont affectés au remboursement des investissement et les 30 restants sont partagés entre l’Etat et l’association qui regroupe la ou les compagnies concernées et Petrosen  selon une clé de répartition convenue d’avance dans le CRPP. 


Le Contenu local est l’ensemble des mécanismes mis en place pour capter une partie des 70% qui servent à rembourser au fur et à mesure les investissements. Pour notre cas, il s’agira de travailler à en capter la moitié d’ici 2030 soit 35%. Comment y parvenir ?


Pour y parvenir la stratégie repose essentiellement sur deux piliers majeurs : l’utilisation préférentielle dans toutes les opérations pétrolières de nos ressources humaines et la sous-traitance par nos entreprises. Deux autres aspects non moins importants sont la réalisation des projets sociaux par les compagnies étrangères dans le cadre de leur RSE et le développement d’un écosystème de transformation des produits pétroliers et gaziers.

Enfin, quelle analyse faites-vous des nouvelles découvertes de pétrole et de gaz, avec tout le bruit qu’il y a eu ?

Le bruit suscité par ces découvertes est quelque chose de tout à fait normal et compréhensible du fait de l’espoir qu’elles suscitent pour certains que je qualifierai de pétro-optimistes et les craintes éprouvées par d’autres d’en face que sont les pétro-pessimistes qui se fondent sur des désastres socioéconomiques et sécuritaires qui malheureusement foisonnent en Afrique. 
C’est tout de même au niveau principiel une situation salutaire dans la mesure où elle a beaucoup contribué à l’avènement d’une transparence inédite dans la gestion de ces ressources au Sénégal. Ce qui nous a valu d’être plusieurs fois classé très bon élève par l’ITIE et même d’autres organismes, avant l’exploitation proprement dite. Cela nous le devons aussi à la clairvoyance et à la bonne connaissance de ce secteur de notre Chef d’orchestre, en l’occurrence le Chef de l’Etat qui en donne le La.  
Il est juste à déploré l’amalgame et la confusion nés des aventuriers de la parole qui se sont autoproclamés spécialistes de la question sans même, ne serait-ce que lire les textes, et qui parcourent les rédactions et sèment le bastringue et le doute dans l’esprit des citoyens. Il s’y ajoute les malencontreuses sorties de certains politicards dont la malhonnêteté est à l’aune de leur ambition incontrôlée à s’emparer du pouvoir, Dieu seul sachant à quelle fin.

 
Vous pensez donc que ce secteur est bien géré ?


Affirmatif comme disent nos militaires. Je ne connais pas un seul secteur aussi bien géré que celui du pétrole et du gaz et je défie quiconque de me prouver le contraire. 

 
Je rappelle que vous avez été Directeur de Cabinet de Ministres de l’Energie et du Développement des Energies Renouvelables, qu’en sera-t-il des prix de l’électricité ?


Le sous-secteur de l’électricité est celui dans lequel nous avons assurément réalisé les meilleurs performances, passant en 2011 d’une situation de déficit criard avec un parc de production vétuste, des lignes de transport peu maillées et une réseau de distribution en lambeau, sans compter de profondes difficultés d’approvisionnement en fioul, à aujourd’hui une production excédentaire (presque triplée), un maillage densifié du réseau de transport et un réseau de distribution en constante rénovation et extension. A cela s’ajoute un mix énergétique évoluant de 2% à plus de 30% en 2021 et un taux d’électrification rurale passant de 24% en 2012 à aujourd’hui +54%. Cette situation est couronnée entre autres par la disparition des délestages, un approvisionnement en fioul maitrisé, en somme, une meilleure qualité de service et une résilience assurée. Le challenge est actuellement dans le Kaisen ou processus d’amélioration continue. 
Avec l’arrivée du gaz de Yakaar Teranga essentiellement destiné à un usage domestique mais aussi du pétrole de Sangomar, escomptée en 2023, l’espoir est permis de voir les coûts de production baisser et incidemment les prix de l’électricité. Toutefois nous ne devons pas perdre de vue que beaucoup d’efforts restent encore à faire pour assurer l’accès universel à l’électricité, cher au Chef de l’Etat, qui est une question d’équité et de justice sociale.

Je rappelle aussi que, vous êtes enseignant, que conseillerez-vous à la jeunesse sénégalaise avec ces écoles de formation en pétrole qui pullulent partout à Dakar?


Je fus enseignant (rires) mais enseignant un jour enseignant toujours. Vous mettez là le doigt sur une question cruciale qui mérite d’être très vite prise en charge pour éviter une désillusion au parfum d’arnaque qui pourrait découler de cette anarchie naissante. En effet, beaucoup d’instituts et écoles de formation existantes comme naissantes, mus par l’appât du gain, se lancent dans la création de filières « métiers du pétrole », dans le désordre le plus total en l’absence de cadre normatif qui en définirait les curricula et surtout qui les mettrait en adéquation avec les besoins et exigences du secteur.
Il importe de préciser que mis à part quelques spécialisations très pointues, il est impropre de parler de métier du pétrole. Il s’agit plutôt, pour la plupart, de métiers connus, exercés dans le secteur du pétrole qui, du fait de ses exigences élevées en matières de normes et de certification, en rajoute une ou des couches supplémentaires. Ainsi aux parents et à la jeunesse intéressés par le secteur, le conseil que je donne c’est de s’orienter d’abord vers la formation professionnelle diplômante, encadrée par l’Etat et seulement après chercher à rajouter une spécialisation habilitant à travailler dans le secteur pétrogazier.  


Votre dernier mot ?


Des remerciements et encouragements à vous et toute l’équipe de Senpetrogaz pour cette opportunité que vous m’avez ainsi offerte de me prononcer sur des questions qui me passionnent et sur lesquelles je m’exprime avec fierté. 

Senpetrogaz vous remercie de votre disponibilité.

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