1- M. Mbaye, le Comité national de suivi du contenu local (CNSCL) dans le secteur pétro-gazier a été installé le 1er juillet dernier. Depuis lors quels sont les actes qui ont été posés ?
Fort heureusement le travail sur le contenu local, n’a pas attendu la finalisation du cadre juridique et institutionnel et l’installation du CNSCL pour démarrer. J’en veux pour preuve l’extension du Port autonome de Dakar sur 12ha à l’intérieur de la mer qui abrite aujourd’hui un énorme chantier de fabrication des caissons devant servir de digue pour le projet GTA sur lequel travaillent depuis deux ans, plus de 1700 sénégalais et qui utilise des matériaux pour la plupart produits localement comme le béton, le ciment, etc. Les équipes du Ministère du Cospetrogaz et de Petrosen se sont investies depuis fort longtemps dans la mise en œuvre effective du contenu local.
Le CNSCL à son installation a instruit le Secrétariat technique de poursuivre le travail entamé mais aussi d’élaborer les lignes directrices devant compléter les textes et de largement partager ceux-ci avec les acteurs pour leur appropriation effective. Il s’y ajoute la finalisation du plan stratégique de développement du contenu local et la réalisation de la plateforme électronique d’intermédiation qui est en cours. Énormément d’actions ont été déployées depuis lors et qui feront l’objet d’un rapport d’activités détaillé à remettre aux autorités mais aussi à publier après validation par celles-ci.
2- L’une des missions du Comité de suivi est de veiller à ce que les contractants, sous-traitants, prestataires de services et fournisseurs impliqués directement ou indirectement dans les activités pétrolières et gazières établissent des plans de continu local et les lui soumettent. Avez-vous déjà reçu quelques plans ?
Dès après ma prise de fonction, j’ai adressé au début du mois de mai à tous ces acteurs assujettis aux dispositions de contenu local, un courrier de rappel de leur obligation de soumettre au Secrétariat technique leur plan de contenu local, au plus tard le 30 juin. Quasiment la totalité de ces acteurs ont, ou soumis leurs plans à date échue, ou demandé une dérogation de quelques jours supplémentaires pour pouvoir le faire. Légalement, le ST-CNSCL a un délai de 90 jours à compter de la date de réception pour valider ou communiquer ses observations sur chaque plan reçu. A ce jour nous avons fini d’éplucher tous les plans reçus et envoyé nos observations aux concernés. Ceux qui avaient tardé à réagir ont reçu de notre part des mises en demeures et se sont immédiatement manifestés pour s’expliquer et prendre l’engagement de s’exécuter avec diligence.
3- L’ambition de l’Etat du Sénégal est d’atteindre 50 % de contenu local en 2030. Si l’on sait qu’en Afrique aucun pays producteur de pétrole et de gaz n’a atteint cette barre, ne peut-on pas dire que le Sénégal vise un peu trop loin ?
Je ne puis confirmer qu’aucun pays africain n’a atteint ce taux puisque je n’ai pas fait ou vu une étude qui porte là-dessus. Ceci étant cette ambition découle de la volonté et de la vision de son Excellence Monsieur le Président de la République qui, faut-il le rappeler, est un homme de l’art. Il m’échoit l’exaltante mission d’utiliser tous les moyens, leviers, instruments et outils mis à ma disposition pour la matérialiser. Etant le bras armé du Comité national chargé de la mise en œuvre et du suivi du contenu local, il m’appartient de dérouler, sous la conduite dudit comité Présidé par Monsieur Ousmane Ndiaye, Secrétaire Permanent du Cospetrogaz, toutes les actions opérationnelles devant nous mener vers cet objectif.
4- Sur quels leviers notre pays compte-t-il s’appuyer pour atteindre cet objectif ?
Les deux principaux leviers sont l’utilisation préférentielle de nos ressources humaines à compétences égales avec les étrangers et une forte implication de nos entreprises dans le déroulement des opérations pétrogazières de travaux et de fournitures de biens et services. Les activités relevant de ces dernières ont été répertoriées et classifiées selon trois régimes. Le premier dit exclusif concerne les activités à la portée de nos entreprises et qui par conséquent leur sont exclusivement réservées, le deuxième étant relatif aux activités à dérouler dans le cadre de joint-ventures ou d’associations entre des entreprises étrangères et sénégalaises, celles-là relèvent du régime mixte. Il y a enfin un troisième régime dit non exclusif ou libre qui adressent les activités qui peuvent être librement confiées à une entreprise quelle qu’elle soit.
5- Dans l’amont pétrolier, on peut douter de l’existence d’entreprises sénégalaises en mesure de tirer leur épingle du jeu. Sur la chaîne de valeur du contenu local, sur quelle partie, quel aspect, pourraient-elles se positionner pour capter le maximum de profits ?
On aurait-douter à tort. S’il est vrai que n’étant pas encore un pays pétrolier, il est normal que pour beaucoup d’activités à dérouler nos entreprises ne sont pas encore prêtes, il est tout aussi vrai qu’il y a énormément de services, travaux et fournitures à la portée de nos acteurs industriels. Il se trouve tout simplement que le secteur pétrogazier étant extrêmement normé, surtout pour les activités offshores, quand bien même elles auraient les aptitudes techniques requises, il leur faudrait une couche supplémentaire en termes de certifications diverses pour se mettre à niveau afin de pouvoir opérer.
6- Le privé national dit avoir déjà réfléchi sur la place que les entreprises sénégalaises occuper dans le contenu local. Selon vous, le privé national est-il assez outillé pour se positionner aussi vite ?
Il y a lieu de noter que dans notre classification décrite ci-dessus, plus de 98% des activités pétrogazières répertoriées dans les opérations à mener, relèvent des régimes mixte et exclusif. Cela veut dire en d’autres termes qu’elles impliquent forcément la participation d’une entreprise sénégalaise, soit exclusivement, soit en association avec une entreprise étrangère.
Il appartient donc à notre privé national de se rapprocher du Secrétariat Technique du CNSCL pour prendre connaissance des opportunités à elles offertes et s’engager dans un processus de mise à niveau indispensable pour se mettre aux normes et répondre aux fortes exigences des donneurs d’ordre. Elles pourront ainsi bénéficier de l’accompagnement d’un guichet unique mis en place à cette fin et qui a des axes d’intervention multiformes.
7- Les retombées financières que l’on peut attendre du contenu local sont-elles plus importantes que les recettes directes tirées de l’exploitation du pétrole et du gaz ?
Absolument et c’est sans commune mesure puisque là où ces retombées directes portent sur une part calculée sur environ 30% des recettes brutes, le contenu local vise à capter 50% des 70% restants, soit 35% des recettes brutes.
8- Un Fonds d’appui au développement du contenu local a été créé. Comment il sera alimenté et il servira à quoi exactement ?
Le fonds d’Appui au Développement du Contenu Local (FADCL) est un des instruments mis à la disposition du Secrétariat Technique du Comité de Suivi du Contenu Local pour mettre en œuvre la stratégie de Contenu local en dans le secteur des hydrocarbures. Ce fonds sera abondé par une dotation budgétaire de l’Etat, une taxe parafiscale à instituer, les ressources gérée par la plateforme électronique d’intermédiation que le ST-CNSCL doit mettre en place, les éventuelles amendes infligées aux contrevenants aux dispositions de contenu local et enfin les dons et legs. Il est essentiellement utilisé pour soutenir durablement le renforcement des capacités techniques et financières des entreprises locales pour assurer leur mise à niveau, contribuer à la capacitation des ressources humaines appelées à travailler dans les opérations pétrolières et gazières ainsi que des acteurs étatiques en charge du suivi de la mise en œuvre de la politique de contenu local. Il doit en outre contribuer à soutenir les actions de promotion du contenu local et la communication y relative.
Le Soleil